Il s'agit d'un grand panneau en bois, comme un cadre orné, dans lequel s'incrustent neuf tableaux de plus petite dimension. L'ensemble s'intitule la Vie de l'humanité. Quelle humanité ? Parle-t-on de l'humanité constituée de tous les êtres humains passés et à venir ou de notre humanité, la mienne, celle qui m'anime, qui nous anime, nous différencie de l'inanimé, de l'animalité, celle qui nous différencie les uns des autres tout en nous liant les uns aux autres ? Alors je regarde et je creuse, j'essaie de distinguer, d'établir une distinction dans ce que je vois.
Les 9 tableaux sont répartis sur trois niveaux, trois par niveau. Chacun d'entre eux correspond à un âge de l'humanité : l’âge d'or, l’âge d'argent et l’âge de fer ; l'or en haut, le fer en bas, l'argent au centre. Et pour chaque âge est peint, de gauche à droite : le matin, le midi et le soir. Sans même l'avoir sous les yeux, sans savoir, vous commencez déjà à comprendre, on peut en faire une lecture en lignes, en colonnes : c'est un tableau.
Chacun des trois âges est représenté par un personnage. A l'âge d'argent, au centre, c'est Orphée, encadré par Adam, à l'âge d'or, en haut et en bas, à l'âge de fer, par Caïn.
Orphée entre le père et son fils, c'est associer le texte révélé de la Genèse et un des mythes de la cosmogonie antique, c'est à dire une des Métamorphoses, celles d'Ovide, qui selon lui mènent peu à peu l'humanité à se transformer vers le monde moderne.
Alors je regarde et je creuse : Or, argent, fer, une vraie mine ce tableau ! De quelles métamorphoses s'agit-il ? Qu'est-ce qui sous-tend notre humanité et où nous mène-t-elle ?
Et là, rapidement tout s'enchaîne : Adam, et Eve, bien entendu présente sur les trois tableaux, du matin au soir, tous deux se faisant face et ne faisant qu'un, accèdent par désobéissance à la connaissance. Symboliquement désunis par les vêtements que la découverte de leur nudité les a poussés à porter, ils sont ainsi confrontés à l'inéluctabilité de leur mort.
Et dieu dit alors au serpent : "Je mettrai l'hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et la tienne. La sienne t'écrasera la tête, tandis que tu lui détruiras le talon." La reconnaissance du mal permettra donc à la femme de le terrasser, mais à quel prix ! C'est le prix que paye Eurydice, épouse d'Orphée, qui meurt mordue par une vipère, au talon. La vie d'Eurydice s'écoule par son talon. Et Orphée, seigneur et maître, se rend au royaume des ombres qu'il parvient à séduire. Il finit par obtenir un sursis de vie pour Eurydice. Mais c'est un court répit pour l'homme talonné par la mort car, par désobéissance encore, en se retournant, l'homme perd à nouveau et définitivement sa moitié.
Il en reste d'abord pétrifié puis poursuit son chemin dans le monde, enrichi d'une connaissance qui l'a pourtant déchiré. Et pour héroïque et éclairé qu'il soit, l'homme a bien été chassé de l'Eden, est descendu en enfer, et doit survivre sur terre.
A l'âge de fer, le titre du premier tableau, c'est "Le matin : le travail". Et cahin caha, belle ou pluvieuse journée, l'homme travaille la terre le matin ; à midi, se repose. Et le soir, Caïn, par envie, dépit, colère, jalousie, Caïn commet l'irréparable. En tuant son jumeau, l'homme, à nouveau se prive d'une partie essentielle de lui-même. C'était le dernier des neuf tableaux. Le dernier pan de la vie de l'humanité est fratricide, elle s'est condamnée elle-même.
Pourtant, pourtant, Caïn lui-même aura une descendance et parmi cette descendance lointaine est né Youbal, "Youbal, père de tous ceux qui jouent de la lyre". Et à l'instant de cette naissance, la vie de l'humanité, dans un retournement, une autre métamorphose, peut prendre une voie différente, si l'on choisit maintenant de lire ce tableau de bas en haut.
On peut alors comprendre que Caïn, au psychisme initialement irrésolu, immature, au rythme d'une existence fertile peut redevenir et être son frère Abel ; à partir de cet ancrage, peut réinsuffler la vie en Eurydice, des pieds à la tête, pour qu'elle retraverse les portes de la mort et se réunisse à Orphée qui aura saisi la lyre de Youbal.
La lyre avec laquelle Orphée, de sa main connaissante, fait vibrer le monde, la lyre avec laquelle il captive les animaux et la nature, jusqu'aux arbres d'après ce que nous redit Ovide :
"Il était une colline, et sur la colline, une plaine très ouverte, surface toute verdoyante grâce au gazon qui la couvrait. Le lieu manquait d'ombre. Aussitôt que le poète né des dieux s'y fut assis et eut touché les cordes de sa lyre, l'ombre survint : l'arbre de Chaonie était là, et le bois des Héliades, et le chêne vert aux hautes frondaisons, et les tendres tilleuls, et le hêtre, et le laurier toujours vierge, et les frêles coudriers, et le frêne dont on fait les lances, et le sapin lisse, et la yeuse qui ploie sous ses glands, et le platane des jours de fête, et l'érable aux tons contrastés, et les saules poussant près des rivières, et le lotus aquatique, et le buis toujours vert, et les graciles tamaris, et le myrte bicolore, et le laurier-tin aux baies foncées.
Vous aussi, vous êtes venus, lierres flexibles et rampants, avec les pampres de vignes, et les ormeaux mariés aux vignes, les ornes et les épicéas et l'arbousier chargé de fruits rouges, et les souples palmiers, récompenses du vainqueur, et le pin ceinturé de feuilles, avec sa cime hérissée, (...)".
De métamorphose en métamorphose, l'homme s'élève, sa voix d'or lui ouvre la voie vers son âge d'or, celui de l'Eden retrouvé, celui de la nudité, homme et femme unis, réunis dans l'être divin que chacun de nous peut incarner.
Il s'agit d'un grand panneau en bois, comme un cadre orné, dans lequel s'incrustent neuf tableaux de plus petite dimension. L'ensemble s'intitule la Vie de l'humanité. Quelle humanité ? Parle-t-on de l'humanité constituée de tous les êtres humains passés et à venir ou de notre humanité, la mienne, celle qui m'anime, qui nous anime, nous différencie de l'inanimé, de l'animalité, celle qui nous différencie les uns des autres tout en nous liant les uns aux autres ? Alors je regarde et je creuse, j'essaie de distinguer, d'établir une distinction dans ce que je vois.
Les 9 tableaux sont répartis sur trois niveaux, trois par niveau. Chacun d'entre eux correspond à un âge de l'humanité : l’âge d'or, l’âge d'argent et l’âge de fer ; l'or en haut, le fer en bas, l'argent au centre. Et pour chaque âge est peint, de gauche à droite : le matin, le midi et le soir. Sans même l'avoir sous les yeux, sans savoir, vous commencez déjà à comprendre, on peut en faire une lecture en lignes, en colonnes : c'est un tableau.
Chacun des trois âges est représenté par un personnage. A l'âge d'argent, au centre, c'est Orphée, encadré par Adam, à l'âge d'or, en haut et en bas, à l'âge de fer, par Caïn.
Orphée entre le père et son fils, c'est associer le texte révélé de la Genèse et un des mythes de la cosmogonie antique, c'est à dire une des Métamorphoses, celles d'Ovide, qui selon lui mènent peu à peu l'humanité à se transformer vers le monde moderne.
Alors je regarde et je creuse : Or, argent, fer, une vraie mine ce tableau ! De quelles métamorphoses s'agit-il ? Qu'est-ce qui sous-tend notre humanité et où nous mène-t-elle ?
Et là, rapidement tout s'enchaîne : Adam, et Eve, bien entendu présente sur les trois tableaux, du matin au soir, tous deux se faisant face et ne faisant qu'un, accèdent par désobéissance à la connaissance. Symboliquement désunis par les vêtements que la découverte de leur nudité les a poussés à porter, ils sont ainsi confrontés à l'inéluctabilité de leur mort.
Et dieu dit alors au serpent : "Je mettrai l'hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et la tienne. La sienne t'écrasera la tête, tandis que tu lui détruiras le talon." La reconnaissance du mal permettra donc à la femme de le terrasser, mais à quel prix ! C'est le prix que paye Eurydice, épouse d'Orphée, qui meurt mordue par une vipère, au talon. La vie d'Eurydice s'écoule par son talon. Et Orphée, seigneur et maître, se rend au royaume des ombres qu'il parvient à séduire. Il finit par obtenir un sursis de vie pour Eurydice. Mais c'est un court répit pour l'homme talonné par la mort car, par désobéissance encore, en se retournant, l'homme perd à nouveau et définitivement sa moitié.
Il en reste d'abord pétrifié puis poursuit son chemin dans le monde, enrichi d'une connaissance qui l'a pourtant déchiré. Et pour héroïque et éclairé qu'il soit, l'homme a bien été chassé de l'Eden, est descendu en enfer, et doit survivre sur terre.
A l'âge de fer, le titre du premier tableau, c'est "Le matin : le travail". Et cahin caha, belle ou pluvieuse journée, l'homme travaille la terre le matin ; à midi, se repose. Et le soir, Caïn, par envie, dépit, colère, jalousie, Caïn commet l'irréparable. En tuant son jumeau, l'homme, à nouveau se prive d'une partie essentielle de lui-même. C'était le dernier des neuf tableaux. Le dernier pan de la vie de l'humanité est fratricide, elle s'est condamnée elle-même.
Pourtant, pourtant, Caïn lui-même aura une descendance et parmi cette descendance lointaine est né Youbal, "Youbal, père de tous ceux qui jouent de la lyre". Et à l'instant de cette naissance, la vie de l'humanité, dans un retournement, une autre métamorphose, peut prendre une voie différente, si l'on choisit maintenant de lire ce tableau de bas en haut.
On peut alors comprendre que Caïn, au psychisme initialement irrésolu, immature, au rythme d'une existence fertile peut redevenir et être son frère Abel ; à partir de cet ancrage, peut réinsuffler la vie en Eurydice, des pieds à la tête, pour qu'elle retraverse les portes de la mort et se réunisse à Orphée qui aura saisi la lyre de Youbal.
La lyre avec laquelle Orphée, de sa main connaissante, fait vibrer le monde, la lyre avec laquelle il captive les animaux et la nature, jusqu'aux arbres d'après ce que nous redit Ovide :
"Il était une colline, et sur la colline, une plaine très ouverte, surface toute verdoyante grâce au gazon qui la couvrait. Le lieu manquait d'ombre. Aussitôt que le poète né des dieux s'y fut assis et eut touché les cordes de sa lyre, l'ombre survint : l'arbre de Chaonie était là, et le bois des Héliades, et le chêne vert aux hautes frondaisons, et les tendres tilleuls, et le hêtre, et le laurier toujours vierge, et les frêles coudriers, et le frêne dont on fait les lances, et le sapin lisse, et la yeuse qui ploie sous ses glands, et le platane des jours de fête, et l'érable aux tons contrastés, et les saules poussant près des rivières, et le lotus aquatique, et le buis toujours vert, et les graciles tamaris, et le myrte bicolore, et le laurier-tin aux baies foncées.
Vous aussi, vous êtes venus, lierres flexibles et rampants, avec les pampres de vignes, et les ormeaux mariés aux vignes, les ornes et les épicéas et l'arbousier chargé de fruits rouges, et les souples palmiers, récompenses du vainqueur, et le pin ceinturé de feuilles, avec sa cime hérissée, (...)".
De métamorphose en métamorphose, l'homme s'élève, sa voix d'or lui ouvre la voie vers son âge d'or, celui de l'Eden retrouvé, celui de la nudité, homme et femme unis, réunis dans l'être divin que chacun de nous peut incarner.